Ezeddine est un paysan habitant avec sa famille (sa sœur, sa femme, sa fille et son fils) dans une petite maison à sidi Abdelbasset, il travaille sous le statut de fermage dans l’exploitation appartenant à Raouf, située sur les berges du fameux Oued Tine.
Aujourd´hui, il nous raconte une histoire le sourire aux lèvres :
« Un jour d’hiver de 2013, le ciel se couvra de gros nuages noirs menaçants. Soudain, l ‘orage éclate, le vent souffle, le tonnerre gronde, des éclairs déchirent le ciel, et en quelques minutes une pluie diluvienne s´abat sur le sol. Des voiles d’eau dessinent le vent, tandis que l´Oued Tine se rempli à toute vitesse jusqu`à l’inondation !
On se serait cru en pleine mer, les éclairs frappaient simultanément tout autour, des plaines jusqu´aux sommets des collines. En quelques instants on a pu observer les chemins se remplirent d´eau qui ne cessait de ruisseler « .
Ezeddine fait une pause dans son récit, nous tenant tous en haleine. Sa description de la scène nous a directement imprégné dans cette ambiance catastrophique et c´est avec impatience qu´on attend la suite.
Il reprend: « Puis le vent se calma, l’intensité de la pluie s´atténua, les éclairs furent de plus en plus distants et le soleil se coucha. Ce silence fut brutalement rompu par une série de cris d’une chèvre. Ma fille m´alarma qu´il s´agissait d´une de notre cheptel ! La pauvre bête était perchée sur un petit palmier de trois mètres de hauteur en pleine mer, avec les embruns qui tourbillonnèrent, fouettés par la tempête. » Nous nous mirent tous à rire aux éclats à l´image de ce scénario digne d´un film Disney.
« Malheureusement la force de la tempête nous empêchait de pourvoir s’approcher de la chèvre pour la sauver. Les cris se firent de plus en plus rares, jusqu´à ne plus rien entendre au grand dam de ma petite fille qui se mit à pleurer la perte de l´animal.
Le matin arriva avec le chant du coq, les premiers rayons du soleil brillaient sur les collines. Yasmin ma fille sauta du lit, enfila vite fait son manteau et sortit de la maison pour me rejoindre là où je buvais mon café et réfléchissais à comment j´allais récupérer les pertes (cheptel, les cultures…). Elle était inquiète et triste au sujet de la chèvre disparue. On se dirigea ensemble vers le palmier où on l´avait vue la veille, le niveau de l’eau avait déjà baissé mais la boue rendait difficile nos mouvements . Les yeux de Yasmine se fixèrent sur l’animal au sol. Il ne bougeait pas et on crut qu’il était mort. Soudain, la pauvre bête leva légèrement la tête et émit un faible cri. Elle était vivante, quel soulagement! Ma fille n´en revenait pas et ne put contenir sa joie face à cette surprise. »
Ezeddine termina ainsi son histoire sur cette note positive. Nous étions tous très touchés, de plus il nous raconta que le palmier sur lequel s´était réfugié la chèvre était le seul dans la région de sidi Abdelbasset, celle-ci étant caractérisée par de grandes cultures et quelques vergers d’oliviers et d’amandiers. Pour nous, c´est une histoire qui témoigne de l’importance de la biodiversité et met en valeur les différents rôles que peuvent jouer les arbres dans leur milieu naturel.
Le témoignage d´Ezeddine a été recueilli lors d’une enquête de terrain dans le cadre du projet « Corridors environnementaux autour de l’oued Tine » porté par l’association les Amis de Capte Tunisie. Ce projet réalisé dans le cadre de la seconde phase du programme des petites initiatives de la société civile PPI-OSCAN, vise à accompagner une vingtaine de fermes des villages de Gosset El Bey, Sidi Abdel Basset et Metouia dans l’adaptation aux changements climatiques par des formations de sensibilisation aux bonnes pratiques agricoles (ateliers d´utilisation des machines, culture des céréales, agroforesteries, pépinières …) et par la plantation d’arbres au sein de systèmes agroforestiers, des haies, des vergers et des bosquets.