L’oasis de Aîn Sefra dans le Sud-Ouest algérien est le berceau d’une diversité de paysages impressionnants – dunes de désert, écosystèmes montagneux et steppiques sont encore traversés par des populations nomades et semi-nomades qui sillonnent les flancs des monts des Ksour afin que le bétail puisse pâturer. C’est dans cette région où l’activité principale repose sur l’élevage et l’agriculture que des enfants de pasteurs et des cadres de l’éducation environnementale ont créé l’association « Terre Verte ».
Néanmoins, depuis ces deux dernières décennies, cette région est de plus en plus affectée par le changement climatique et la désertification, qui causent une perte importante de productivité biologique et économique et une régression des parcours ainsi que la disparition de certaines espèces végétales steppiques. Les causes ? L’ensablement – 20% du territoire fut touché par l’ensablement entre 1975 et 2016 -, le surpâturage – notamment dans l’Oasis de Tiout – et l’érosion qui représentent une menace pour l’activité économique de la population locale dépendante de l’agropastorialisme – activités principales de la région.
Les autochtones de la région ont déjà adopté quelques méthodes ancestrales d’adaptation à la sécheresse : la constitution de réserves d’eau dans des réservoirs en terre et les constructions de retenues d’eaux pluviales pour l’agriculture.
Grâce aux connaissances sur les espèces endémiques de la région comme le Pistachier de l’Atlas – Pistacia atlantica – et du Stipa tenacissima et sur les pratiques de reboisement, l’association travaille à la restauration de ses écosystèmes locaux, ce qui permet de contrôler l’avancement du désert et de conserver les terres fertiles pour l’agriculture et l’élevage.
Le projet soutient les nomades, les bergers et les villageois en contribuant à la plantation d’espèces fourragères pour préserver les zones de pâturage. Il consiste à planter l’Alfa dans les zones de mise en défends fermées afin d’assurer la production de graines libres.
Le Pistachier de l’Atlas, espèce permettant de lutter contre la sécheresse et la désertification
Le Pistachier de l’Atlas- Pistacia atlantica – est considéré comme étant une espèce Quasi Menacée sur la Liste Rouge de l’IUCN (NT). C’est un arbre très résistant au climat aride du Sahara grâce à ses racines pivotantes, utilisé comme restaurateur des milieux altérés et dégradés et d’ailleurs considéré comme corridor écologique grâce à sa faculté à connecter des écosystèmes. En agriculture, il est le porte-greffe du pistachier cultivé.
« Grâce à ses faibles besoins et sa grande résistance à la sécheresse et aux températures élevées, le Pistachier de l’Atlas est très souvent planté dans les parcs et jardins. Dans le cadre de la lutte contre la désertification et la sécheresse, c’est donc une espèce à préserver et à développer pour atténuer les effets des changements climatiques » expliquent les membres de l’association.
Il possède une valeur importante contre l’érosion du sol, qu’il renforce et est également utilisé dans des cas de reforestation des terres arides et des talus et contre les glissements de terrain.
Cette forte résistance à la sécheresse et aux vents forts lui apporte une capacité de fourrage remarquable pour l’alimentation du bétail des populations locales ; surtout en automne. En effet, ses racines pivotantes protègent le sol de la sécheresse et permettent la présence de ce fourrage, très apprécié des animaux.
Concernant ses bienfaits alimentaires, ses fruits se rapprochent des cacahuètes par leur aspect et permettent notamment la fabrication de chewing-gums. Ils ont un goût similaire à celui du beurre et une forte valeur nutritionnelle et énergétique.
Le Pistachier de l’Atlas présente également une multitude de vertus et procure aux populations locales des bénéfices multiples :
- En médecine douce, il est utilisé comme antiseptique et antifongique
- En cosmétique, sa résine est très utilisée
- Dans l’alimentaire, son fruit oléagineux est très apprécié et c’est une espèce fourragère pour les animaux.
En outre, il procure une ombre salutaire aux bergers et leur cheptel.
(voir : https://www.facebook.com/856882834467877/photos/a.856887104467450/1580856018737218/?type=3&theater)
Le Stipa tenacissima, une espèce vulnérable mais indispensable
Photo : Climate-chance.org
« La première raison ayant motivée la préservation de Stipa tenacissima pour l’Association Terre Verte est surtout la dégradation des zones de steppe, et les nappes alfatières à 90% dans la région de Aîn Sefra » explique Farida Aitkaci, coordinatrice nationale du programme PPI-OSCAN en Algérie.
L’Alfa, également nommé la Reine de la Steppe, est également une espèce très résistante à la sécheresse permettant de stopper l’avancement des dunes de désert et donc de maintenir les terres fertiles. Si elle an durant de nombreuses années, constitué un des éléments dominants des steppes algériennes, elle est aujourd’hui considérée comme Vulnérable sur la Liste Rouge de l’IUCN (VU).
En cause : le surpâturage, les labours illicites et l’impact humain. L’arrachage de manière abusive et son usage intensif pour l’artisanat sont également des facteurs de menace.
Pour les arabes d’Al-Andalus, le Sparta tenacissima est un produit forestier très important depuis le Moyen-Âge et l’époque moderne. Cependant au vingtième siècle, l’arrivée du plastique et l’importation d’autres fibres ont mené à la chute de l’exploitation de ses ressources.
Depuis plus de 4000 ans, cette espèce endémique du Maghreb, de l’Andalousie et du sud du Portugal a servi pour de multiples usages :
« Généralement, nous utilisons les fibres de ses feuilles qui, une fois filées, permettent de confectionner paniers, passoires, tapis, couffins, tamis, couscoussiers, corbeilles à pain et ustensiles divers pour les liquides tel que le lait par exemple. D’ailleurs, les tapis traditionnels en Alpha sont très réputés. »
Dans les années 70, l’Algérie produisait du papier industriel à base d’Alfa. Il est désormais utilisé pour la fabrication de pâte à papier, de tissus en velours côtelé et de plâtre.
Le Pastoretum : vers un repeuplement de ces deux espèces ?
De par leurs nombreuses vertus, le Pistachier de l’Atlas et le Stipa tenacissima permettent la pérennité du bétail des populations locales, et donc la pérennité de leur activité économique.
Afin de conserver la biodiversité agricole, les membres de l’association ont mis en place un Pastoretum – banque de gènes dans laquelle sont stockées les ressources génétiques des plantes cultivées et des espèces sauvages. Cette technique est très utilisée afin de participer à la dissémination et à la réintroduction de ces espèces.
Dans le cadre du PPI-OSCAN et du lancement de leur projet Pastoretum pour la préservation du pistachier de l’Atlas et de l’Alfa, les membres de l’association « Terre Verte », ont étendu leur initiative de protection de ces deux espèces des régions sahariennes au Nord de la Méditerranée et travaillent en particulier avec les agro-pasteurs pour qu’ils s’approprient de nouveau les plantations des espèces endémiques.
À ce titre, les premiers plants de Pistachier de l’Atlas ont été assurés par le laboratoire d’écologie de l’Université de Sidi Bel Abbés afin de les planter au niveau du Pastoretum mis en place par l’association.
« Notre engagement a été couronné par la concrétisation de notre pépinière et d’une petite banque de graines. Elle est devenue une véritable pourvoyeuse de plants de pistachier par la dissémination de près de 1500 plantules, auprès des pasteurs de la région de Aîn Sefra, et même au-delà, dans d’autres communes de Naâma et dans les wilayas de Biskra d’El Bayadh et Béchar » ajoutent les membres de l’association.
…Une Solution fondée sur la Nature pour ces deux espèces indispensables à la prospérité alimentaire des populations locales.
