Les Djerbiens, habitants et mémoire vivante de l´île de Djerba, regrette ce que fut jadis leur île et aspire à un retour de la symbiose vécue autrefois avec leur milieu naturel. Mme. Hassiba Belghith et Mme. Fatma Triki, deux militantes de l’Association de Citoyenneté et de Développement Durable, ont eu la chance lors de différentes prospections de terrain, de discuter avec les sages de l’île. Ces derniers leur parlaient en adoptant un jargon particulier, imprégné de paroles ancestrales illustrant l’amour et l´éternel lien du Djerbien avec sa terre :
« Le jardin dit à son propriétaire défunt : « Repose en paix, je te rejoindrai » »
الجنان يوصي مولاه كي يتوفى يقولو برا على روحك هاني خاط وراك
« Le palmier dit à son propriétaire défunt : » Repose en paix, je nourrirai tes enfants » »
النخلة توصي مولاها كي يتوفى تقلو برا على روحك تو نوكلك صغارك
« L’olivier dit à son propriétaire défunt : » Repose en paix, je paierai tes crédits » »
الزيتونة توصي مولاها كي يتوفى تقلو برا على روحك تو نخلصلك ديونك
Ce lien si fort repose sur l’énergie dégagée par l´île et liée à la richesse de son histoire. En effet, les vestiges et les études témoignent de la présence de l´Homme au sein de Djerba depuis les temps de l’antiquité. Par ailleurs, la légende dit que Homère y fit échouer Ulysse et ses compagnons perdus en mer lors de leur retour de la guerre de Troie. Plus récemment, diverses civilisations berbères, judéo-berbères, arabes, africaines islamisées et même des pêcheurs maltais s´y sont succédé pour l´occuper. Cela dit, Djerba présente depuis toujours des conditions naturelles hostiles qui ont poussé les populations successives à exploiter rationnellement les quelques richesses de l´île pour lui donner un aspect d’oasis ou d’île jardin. Les communautés Djerbiennes ont ainsi instauré un système de gestion durable des ressources naturelles basé sur l’agriculture et la pêche traditionnelles. Cette gestion durable permettait jadis à l’île de multiplier ses échanges avec le continent Africain et lui assurait ainsi un maximum d’autonomie.
Cet équilibre symbiotique établi entre l’Homme et l’île a été brisé par un changement radical induit par l’introduction massive du tourisme balnéaire à partir des années soixante. Ce nouveau dynamisme économique a entrainé un changement radical du mode de vie des Djerbiens, qui ont vu dans le tourisme balnéaire, une opportunité facile pour l’accroissement rapide de leurs revenus. Cette nouvelle tendance touristique, indifférente aux particularités sociales et environnementales du milieu, s´est traduite par une érosion des terres et une perte des traditions ancestrales en rapport avec le mode de consommation, l’agriculture, la pêche et la gastronomie. Aujourd’hui, l’île doit faire face à des problèmes environnementaux tel que l’érosion des dunes, la perturbation des écosystèmes, la diminution de la productivité et la pollution. Cette accumulation d´impacts négatifs a engendré une situation de crise socio-économique se reflétant par l’exode, l’immigration, la pauvreté, et l´insécurité alimentaire.
Face à cette situation critique de Djerba, il est urgent de mettre en place des alternatives de développement basées sur la conservation et la valorisation du patrimoine naturel et culturel. Dans cette optique, l’Association de Citoyenneté et de Développement Durable AC2D, grâce à une équipe de jeunes femmes dynamiques et motivées, a élaboré le projet « Djerba Up » afin de renforcer le développement durable de l’île en réconciliant le Djerbien avec son patrimoine et en restaurant l´équilibre du milieu naturel. Ce projet, mis en place dans le cadre de la seconde phase du programme des petites initiatives de la société civile (PPI-OSCAN), s’appuie sur une approche participative et communautaire améliorant la conservation des 3 sites Ramsar de Djerba; Ras Ermal, Guellalla et Bin El Ouediane.